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La taxation des ultrariches : remède ou chimère ?

L’idée d’une taxation mondiale des ultrariches revient sur le devant de la scène en 2024, portée par des économistes influents comme Gabriel Zucman et soutenue par des pays émergents comme le Brésil, président du G20 cette année. 

 

Selon un rapport commandé pour ce sommet, une taxe annuelle de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 50 millions de dollars pourrait générer jusqu’à 250 milliards de dollars par an. Une manne suffisante pour financer des projets sociaux ambitieux à l’échelle mondiale. Mais cette idée ambitieuse divise : est-elle réaliste, ou reste-t-elle un idéal inatteignable ?
 

Des inégalités en constante progression
Le constat est alarmant : en 2024, 1 % de la population mondiale détient près de 40 % de la richesse globale, selon un rapport d’Oxfam. Cette concentration continue de s’intensifier, alimentée par des rendements exceptionnels sur les investissements des grandes fortunes et par des politiques fiscales jugées trop favorables aux plus riches dans de nombreux pays.
 

Parallèlement, les crises sanitaires, économiques et climatiques des dernières années ont exacerbé les inégalités. "Nous vivons dans un monde où les milliardaires construisent des fusées, tandis que des millions de personnes luttent pour accéder à des soins de base", résume Gabriel Zucman.
 

Une idée aux ambitions planétaires
La taxation mondiale des ultrariches vise à instaurer une fiscalité harmonisée pour éviter les pratiques d’évasion fiscale. Actuellement, de nombreuses grandes fortunes déplacent leurs avoirs vers des paradis fiscaux ou des juridictions à faible taxation. Cette stratégie réduit drastiquement les recettes fiscales des États et accentue les écarts de richesse.
 

Le principe serait simple : une taxe progressive, débutant à 2 % pour les patrimoines supérieurs à 50 millions de dollars, et atteignant 5 % pour ceux dépassant 1 milliard. Les recettes ainsi collectées seraient redistribuées aux pays les plus pauvres ou affectées à des projets mondiaux comme la lutte contre le changement climatique ou l’accès universel à l’éducation.
 

Des freins politiques et économiques
Malgré son potentiel, cette mesure suscite de nombreuses résistances. Certains pays, notamment les États-Unis et la Suisse, où résident une grande partie des ultrariches, craignent une fuite des capitaux. Mais une taxe mondiale nécessite une coopération internationale sans précédent. Or, nous savons combien il est difficile de faire converger les intérêts des États.

 

De plus, les détracteurs avancent que cette taxe pourrait freiner l’investissement et l’innovation, en réduisant les ressources disponibles pour les grandes fortunes. "Les entrepreneurs risquent de devenir frileux si une partie importante de leur patrimoine est prélevée chaque année", avertit un représentant de l’Organisation internationale des investisseurs.
 

Les premiers pas vers une coopération fiscale mondiale
Cependant, des avancées significatives ont été réalisées ces dernières années. En 2021, un accord historique sur un impôt minimum mondial de 15 % pour les multinationales avait montré qu’une coopération fiscale était possible. En 2024, des discussions sont en cours pour élargir ce cadre aux individus très fortunés. "L’impôt minimum mondial pour les entreprises a créé un précédent. Si nous pouvons faire de même pour les ultrariches, nous franchirons une étape décisive vers plus de justice fiscale", estime Gabriel Zucman.
 

Un potentiel transformateur
Les recettes d’une telle taxe mondiale pourraient avoir un impact massif. Selon les estimations, 250 milliards de dollars par an suffiraient à éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde, tout en finançant des infrastructures pour la transition écologique. En Afrique, par exemple, ces fonds pourraient être utilisés pour développer des réseaux électriques basés sur les énergies renouvelables, créant des emplois et réduisant la dépendance aux combustibles fossiles.
 

Mais au-delà des chiffres, cette taxe incarne une idée plus large : celle d’une solidarité mondiale face aux défis communs. "Nous devons reconnaître que la richesse accumulée par une minorité découle souvent de ressources ou de systèmes collectifs. Il est juste de la redistribuer pour répondre aux besoins globaux", défend Zucman.
 

Un défi d’application
L’application d’une telle taxe nécessite cependant des outils techniques et politiques sophistiqués. Les registres internationaux de patrimoine, encore embryonnaires, devront être renforcés pour identifier et évaluer les avoirs des ultrariches. De plus, des sanctions devront être prévues pour les États ou les individus qui refusent de coopérer.
 

"Il ne suffit pas d’avoir une belle idée. Nous avons besoin de mécanismes contraignants et transparents pour garantir que chaque fortune contribue à hauteur de ses moyens", explique une responsable de l’OCDE.
 

Utopie ou futur inévitable ?
Si la taxation mondiale des ultrariches reste encore un projet ambitieux, elle s’inscrit dans une tendance croissante vers plus de régulation fiscale. Dans un monde de plus en plus interconnecté, les solutions locales ne suffisent plus à répondre aux enjeux globaux. L’idée d’une fiscalité mondiale, autrefois perçue comme une utopie, gagne progressivement du terrain dans le débat public.
 

Les prochaines années seront décisives. Si les États parviennent à surmonter leurs divisions et à unir leurs efforts, cette taxe pourrait devenir une réalité. Mais en attendant, elle reste une illustration frappante des défis – et des opportunités – de notre époque.
 


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